Le (+)-myrioneurinol est une molécule naturelle d’intérêt pour ses propriétés antipaludiques. Présentant deux formes énantiomères – images l’une de l’autre dans un miroir mais non superposables – cette molécule illustre parfaitement les enjeux de la synthèse asymétrique, un domaine clé de la chimie organique moderne. Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut des Sciences Moléculaires (ISM – CNRS, Université de Bordeaux, Bordeaux INP) sont parvenus à développer une stratégie innovante permettant d’accéder de manière différenciée à chacun des deux énantiomères au sein d’une même séquence réactionnelle.
Vous êtes ici
ISM* : une avancée majeure dans la synthèse asymétrique de composés chiraux

Le (+)-myrioneurinol est un alcaloïde naturel isolé en 2007 à partir de Myrioneuron nutans, un arbuste originaire d’Asie du Sud-Est. En raison de ses propriétés antipaludiques, anti-inflammatoires et antimicrobiennes, cette molécule fait l’objet de recherches intensives pour en permettre la production en laboratoire. Sa structure complexe, comportant plusieurs centres chiraux, rend cependant sa synthèse difficile. Or, chaque forme énantiomérique peut présenter des effets biologiques distincts, rendant nécessaire leur isolement.
Parmi les différentes approches possibles, la synthèse asymétrique constitue une voie de choix. L'équipe de l'ISM est parvenue à revisiter cette problématique en s'appuyant sur une réaction bien connue – la désoxygénation de Barton-McCombie – et en y intégrant un réactif chiral de type chlorothionoformate, spécialement conçu pour cette application. Ce dernier permet à la fois de modifier la structure de l’intermédiaire synthétique et de séparer efficacement les deux énantiomères, sans avoir recours aux auxiliaires chiraux habituellement nécessaires.
Ce travail, fruit d’une collaboration au sein de l’ISM impliquant notamment des chercheurs de Bordeaux INP, a donné lieu au dépôt d’un brevet (FR2408269) en 2024. Il ouvre de nouvelles perspectives en synthèse organique, non seulement pour la production du myrioneurinol, mais également pour d'autres alcools complexes obtenus sous forme racémique.
Les chercheurs travaillent désormais à la modification du squelette carboné de chaque énantiomère afin d’explorer et éventuellement amplifier leurs propriétés biologiques. Ils étudient également la transposabilité de cette méthode à d'autres familles de composés chiraux.